Certains enseignants tentent de développer des activités cognitives avec leurs participants en "faisant de la grammaire". En fait, ils leur demandent le plus souvent d'appliquer docilement les règles présentées par le manuel sans que ceux-ci comprennent toujours les raisons de leur fonctionnement particulier. L'accord du participe passé avec "être" et "avoir" en français fournit un exemple de ce type de présentation.
Nous remarquons également que les grammaires fournissent parfois des règles en faisant appel à des concepts inutilisables et inexacts dans la pratique langagière (notion d'achevé ou d'inachevé par exemple). Cela est particulièrement fréquent lors de la présentation des temps du passé. Il n'est pas étonnant alors que les temps s'emmêlent.
Dans d'autres cas, les règles sont présentées de manière si complexe qu'elles semblent impossibles à saisir, à retenir ou à employer. Il en est ainsi en particulier pour les explications concernant l'emploi du subjonctif. Lorsque les modes s'emmêlent, la grammaire devient souvent encore plus nébuleuse.
Comme une appréhension cognitive de ces trois problèmes grammaticaux peut s'avérer utile pour en atteindre la maîtrise, nous proposerons ici une tentative d'approche qui diverge parfois sensiblement de leur présentation traditionnelle. Les explications données ne sont pas exhaustives, car elles se veulent à la fois compréhensibles et utilisables. Il s'agit avant tout d'une description qui facilitera ensuite chez l'enseignant l'orientation de ses participants lors de leur recherche de formulation des règles en fonction des connaissances qu'a le groupe des phénomènes grammaticaux abordés, ce que H. Besse a qualifié de "conceptualisation" (cf. H. Besse : Les exercices de conceptualisation ou la réflexion grammaticale au niveau 2. In Voix et Images du CREDIF, 1/1974, pp. 38-45).
L'ACCORD DU PARTICIPE PASSE : UNE HISTOIRE DE POMMES
Les grammairiens et les grammaires indiquent en général le comment et le quand de l'accord du participe passé avec les auxiliaires avoir et être, mais ils n'en expliquent pas le pourquoi. Voici un exemple classique d'explication de la règle : "Lorsque le participe passé est précédé de avoir, l'accord ne se fait qu'avec le complément d'objet direct et si celui-ci est placé avant le verbe. " ( Monique Callamand : Grammaire vivante du français. Paris, Clé, 1979, p. 129) "Lorsque le participe passé est précédé de être : on fait l'accord avec le sujet pour tous les verbes non pronominaux." (idem, p. 130). C'est selon ce principe que la majorité d'entre nous a appris cette règle qui semble relever de l'arbitraire, car elle décrit le phénomène, mais ne donne pas les raisons de son fonctionnement différent selon l'auxiliaire. La grammaire semble se composer de lois qui tombent du ciel avec une plus ou moins grande cohérence. Il s'agit alors pour les participants d'appliquer cette règle sans la comprendre.
Nos ancêtres grammairiens devaient pourtant bien avoir une idée en tête lorsqu'ils créèrent cette règle ! Tentons donc de l'expliquer... Mais pour cela, il est nécessaire de faire appel à deux considérations préliminaires.
Première considération préliminaire
Le français possède deux genres qui se traduisent dans la forme des adjectifs par une forme marquée, le féminin ( par exemple [pri:z] ) et par une forme non marquée, le masculin, (par exemple [pri] ). Si l'explication "matcho" de la règle prétend que dans le doute ou dans le cas de personnes ou d'objets des deux sexes le masculin l'emporte sur le féminin, une version plus féminine de la règle pourrait être libellée ainsi : " Dans la rencontre des genres, abstiens-toi de marques, utilise la forme non marquée, appelée masculine " (belle revanche pour le sexe parfois qualifié de faible !).
Seconde considération préliminaire
On peut considérer le participe comme une sorte d'adjectif. R.L.Wagner et J. Pinchon parlent d'ailleurs de forme adjective du verbe, (cf. Wagner, R.L. ; Pinchon, J : Grammaire du français classique et moderne. Paris, Hachette, 1962, 272). Quelle différence de fonction y a-t-il, en effet, entre l'adjectif : "sceptique", et le participe "étonné", dans des phrases comme "Je suis sceptique"et "Je suis étonné", ils ont, tous les deux, fonction de qualificatifs.
Il est dommage que le terme "adjectif verbal " soit déjà utilisé dans nos grammaires pour décrire un autre phénomène, car il exprimerait bien la fonction du participe passé, appelons le donc "participe qualificatif".
Une règle en trois lignes
Puisque les pommes permirent à Adam et Eve de prendre conscience de la "petite différence " et qu'elles furent si utiles à Newton pour comprendre la loi de la pesanteur, utilisons les à nouveau pour saisir le pourquoi de cette règle.
Voici donc trois exemples qui illustrent la règle :
a) La pomme est prise
b) La pomme que j'ai prise
c) J'ai pris une pomme
Voyons ces trois exemples dans le détail.
a) La pomme est prise
Qui/ Qu'est-ce qui est pris ? - La pomme ! C'est la pomme qui est concernée par l'acte de prendre, la pomme est prise, nous sommes face à une "pomme prise". Il est donc normal que le participe qualificatif s'accorde avec le sujet du verbe être, car c'est le sujet du verbe être qui est concerné par le participe. Jusqu'ici pas de problème !...
Comme il est plutôt rare que l'on dise qu'une pomme est prise, il serait mieux de parler de place, de ville, de décision ou de personne, mais j'espère que les spécialistes de la pragmatique ne m'en voudront pas trop et n'en feront pas un objet ( ou une pomme) de discorde. Elles ou ils pourront faire la même démonstration avec "Je suis prise" et "Je suis pris".
b) La pomme que j'ai prise.
Ici aussi c'est la pomme qui est concernée par l'acte de prendre : la pomme est prise. Il est normal que le participe qualificatif s'accorde avec l'objet concerné par l'acte de prendre et par conséquent ici avec l'objet de avoir, l'objet qualifié. On voit donc que l'objet qualifié est sujet de l'auxiliaire être et ici objet de l'auxiliaire avoir. Il ne s'agit pas d'une règle arbitraire, mais justifiée. On peut dire que le participe s'accorde avec son référent lorsqu'on le connaît. Celui-ci étant placé ici après son référent, le locuteur sait de quoi il s'agit et peut en tenir compte dans l'accord, chose importante pour comprendre le troisième cas.
c) J`ai pris une pomme.
Nous arrivons maintenant à la question essentielle : pourquoi ne pas accorder ici le participe qualificatif ?
Une anecdote permettra de mieux comprendre un des processus mentaux qui semblent accompagner la parole. Dans mon enfance, mon frère parla un jour de la "devantrine " du bijoutier. Deux mots étaient venus en même temps à son esprit, la devanture et la vitrine. Ce phénomène montre que lorsque nous parlons, nous ne savons pas toujours à l'avance quels termes nous allons utiliser pour exprimer notre pensée ( sauf peut-être certains professeurs de langues !). Nous avons une production que les spécialistes qualifient d' "incrémentielle" : les mots viennent au fur et à mesure que la phrase se déroule et que la pensée s'exprime.
Dans notre cas, je peux dire soit " J'ai pris une pomme" ou bien "J'ai pris un fruit".
C'est souvent au dernier moment, en parlant, que je décide du terme que je vais employer. Ce terme peut être un mot féminin ou un mot masculin. Ainsi nous pouvons avoir : " J'ai pris un verre" ou " J'ai pris une bière" ; "J'ai mangé la soupe" ou "le potage" ; "J'ai mis la table" ou "le couvert"...
Dans le cas présent, lorsque j'utilise mon participe qualificatif "pris", je n'ai pas encore précisé le terme et donc le genre du terme que je vais employer, alors ici aussi "Dans le doute, abtiens-toi !", nous utilisons par prudence la forme non marquée, le masculin, qui est en quelque sorre un masculin neutralisé.
Dans le cas b, par contre, "la pomme que j'ai prise" j'avais déjà décidé du mot et donc du genre du substantif concerné par le participe qualificatif "pris ". Il était donc normal que je fasse l'accord.
On peut expliquer suivant le même principe, l'accord des "formules figées" "Excepté ces deux hommes", " Ces deux hommes exceptés" ( Jean-Claude Chevalier, Claire Blanche-Benveniste, Michel Arrivé et Jean Peytard : Grammaire Larousse du français contemporain. Paris, Larousse, 1964, p. 388, § 558) ou "la lettre ci-jointe, ci-joint la lettre..."
On pourrait exprimer la règle ainsi :
"Le participe passé s'accorde avec le substantif concerné par son action, si nous l'avons nommé auparavant dans la phrase."
J'accorde quand je sais de quoi je parle sinon j'utilise la forme non marquée.
Si je désire visualiser cette règle avec des enfants, je peux montrer que l'auxiliaire "être" relie le sujet et le participe. Prenons la phrase : "la pomme est prise".
Nous pouvons obtenir, par exemple, la constellation suivante :
Un enfant représente "la pomme ", un second "est ", un troisième "prise". Ils se placent tous les trois sur une ligne. L'enfant qui représente l'auxiliaire, va entrer en contact direct à l'aide de son bras droit avec celui qui représente le sujet référent et à l'aide de son bras gauche avec celui qui représente le participe et le "courant" va passer entre les deux, il y aura accord.
Dans la phrase b, "la pomme que j'ai prise", nous obtenons la représentation suivante :
Le bras droit de "avoir" trouve son référent "la pomme" sur sa droite.
Le courant passe. "Pris" s'accorde donc avec son référent la pomme.
Un poème tel que "Le Message" de Jacques Prévert pourra fort bien illustrer le cas b : "La porte que quelqu'un a ouverte"...
Pour la phrase c : "J'ai pris la pomme", nous obtenons la constellation suivante :
L'enfant qui représente l'auxiliaire cherche la pomme avec son bras droit, sur sa droite, s'il ne la trouve pas, le "courant" ne peut passer, et il n'y a pas accord. Si celui qui représente la pomme a une pomme dans ses mains, il est visible que l'accord ne pourra se faire que si la pomme est à gauche de l'auxiliaire avoir dans la perspective de l'observateur ou du lecteur (à droite de celui qui représente l'auxiliaire dans sa représentation corporelle).
Cette sensibilisation kinesthésique et spatiale peut faciliter la compréhension et l'apprentissage de cette règle.
LES TEMPS DU PASSE : UN CHANGEMENT D'OPTIQUE
Dans les grammaires allemandes, l'emploi des temps du passé en français est parfois considéré à partir des notions d'action achevée ( passé composé ) ou d'action inachevée (imparfait) (Klein/Strohmeyer : Französische Sprachlehre. Stuttgart, Ernst Klett Verlag ) d'aspect "perfektiv" ou "imperfektiv" (Klein/Kleineidam : Grammatik des heutigen Französisch. Stuttgart, Ernst Klett Verlag, 1986). Jean-Paul Confais ( Grammaire explicative, München, Max Hueber Verlag, 1978) reprend l'idée de "perfekt", "vollzogen", "abgeschlossen", donc d'accompli, d'achevé.
La Grammaire Larousse du français contemporain (p.339, § 481) parle également d'expression de l'accompli. Monique Callamand (op. cit., p. 133) considère que l'imparfait présente la situation d'où est issue l'action ponctuelle exprimée au passé composé. Cette description est correcte dans les exemples qu'elle cite : "Il est revenu de vacances parce qu'il n'avait plus d'argent", mais faux pour un grand nombre de cas, entre autres dans certaines descriptions. Ainsi dans une phrase telle que : " Il s'est adressé à une femme qui était vêtue de rouge", ce n'est pas parce qu'elle était vêtue de rouge que je me suis adressé à elle.
Ces concepts, même s'ils sont partiellement corrects (voir contre-exemples en note 1 en bas de cette page). IDe plus, je ne peux pas me poser la question de savoir si l'action dont je parle est achevée ou non, ou si je suis face à une action ponctuelle issue d'une situation lors d'un échange oral. Si je devais me livrer à cette gymnastique intellectuelle, lorsque je raconte des événements passés, il me faudrait disposer d'une grande rapidité d'esprit et d'une clarté mentale particulièrement développée.
Le Français doit disposer d'un système de référence plus simple ou faire appel à des processus mentaux plus adaptés à l'expression orale, lorsqu'il s'exprime. Nous allons voir une des descriptions possibles.
Les temps du passé : une ligne pour chaque temps
Lorsque nous représentons la ligne du temps qui s'écoule, il est possible de symboliser l'emploi des temps du passé en trois lignes :
Ce schéma suffit pour résumer la relation entre ces trois temps. Il y a un double trait après le passé simple et un blanc entre ce double trait et le moment présent pour marquer le fait que ce que le locuteur raconte n'est pas en contact direct avec le moment où il s'exprime (voir ci-dessous : Le passé simple : un récit en soi) , alors que pour le passé composé nous avons des petits points qui relient le temps du récit au moment présent. L'imparfait est marqué par un point qui exprime qu'il ne fait pas avancer le récit mais qu'il l'explique ou le complète.
En fait, lorsque je change de temps, je change d'optique, je considère les faits d'un autre point de vue. Voyons ces changements de perspective dans le détail.
Le passé composé : le temps du déroulement du récit
"Je suis venu. J'ai vu. J'ai vaincu..."
(Rapport d'un homme d'action !).
Chaque fois que j'emploie le passé composé, j'avance dans l'action de mon récit. Ce temps tout comme le passé simple, exprime donc le déroulement dynamique du récit, d'où sa représentation á l'aide d'une flèche rouge.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - ligne du temps - - - - - - - - - - - - >
Je suis entré. Je lui ai parlé. Il a accepté. Je lui ai donné la lettre...
---------------> -----------> -----------> ------------------>
1 2 3 4
Je pourrais dire au début de chaque phrase au passé composé : puis/et/ ensuite. J'avance sur la ligne du temps. La dynamique de mon récit progresse.
L'imparfait : les conditions du récit
Lorsque j'utilise l'imparfait, mon récit ne progresse pas, je présente les conditions dans lesquelles ce récit se déroule ou je donne des informations qui en expliquent le déroulement. D'où son emploi, entre autres, pour la description, la répétition d'une action (qui n'entre pas dans la dynamique du récit)....
Le point de vue est ici statique par rapport au déroulement du récit : le locuteur apporte des précisions qui permettent á son interlocuteur de mieux saisir le cadre et le contexte de l'action, mais l'action du récit elle-même n'avance pas. Il aide à en saisir l'atmosphère. Il constitue un apport qualitatif.
L'imparfait donne l'arrière-plan de l'action, la toile de fond sur laquelle elle se déroule. En terme de théâtre, il décrit le décor de l'action, alors que le passé composé présente son déroulement sur scène. Il constitue une pause dans le développement du récit (pause que Jules César ne s'accorde pas dans son "veni, vidi, vici...").
C'est pourquoi je symbolise ce temps en mettant un point bleu : "o " sous les verbes à l'imparfait. C'est d'ailleurs ce que je demande aux participants de faire lorsque nous abordons un texte dans lesquels ces deux temps se complètent.
Exemple :
Je suis entré. Elle était là, elle m'attendait, elle était calme, elle souriait. Je lui ai parlé.
-------------> O O O O ---------->
Sur le plan du déroulement du récit je pourrais représenter ce texte de la manière suivante :
Un exemple dans lequel passé composé et imparfait se trouvent possibles en alternance illustre bien la fonction de ces deux temps :
a- J'ai rencontré un artiste qui me plaisait beaucoup.
-------------------> o
b- J'ai rencontré un artiste qui m'a beaucoup plu.
1 --------------> 2 --------------->
Dans le premier cas (a), cet artiste me plaisait avant la rencontre dont je fais maintenant le récit et je donne à mon interlocuteur une information qui va lui permettre de mieux comprendre la suite de ce récit. Mon récit n'avance pas avec "qui me plaisait ".
Je pourrais même sur la ligne du temps schématiser le déroulement de la manière suivante :
Dans le second cas (b), cet artiste m'a plu au cours de la rencontre dont je fais le récit ou plus tard. Il y a progression dans l'action du récit :
--------1 --------J'ai rencontré un artiste ------- 2------il m'a beaucoup plû ---->
Cela explique la différence d'emploi des temps dans des phrases telles que :
"L'imparfait d'habitude", dont parle parfois les grammaires, peut se présenter schématiquement sous la forme suivante :
Le cadre, les conditions de l'action, sont présentés avant que celle-ci ne commence.
Ce n'est qu'avec "ce matin là" que j'entre dans le récit dont je veux parler.
Le passé simple : un récit en soi
Le passé simple a la même fonction que le passé composé, mais alors que le récit au passé composé est en contact avec le moment présent où je m'exprime, d'où son emploi dans la langue parlée, le récit au passé simple n'a pas de contact direct avec le moment où le locuteur s'exprime. Il donne une impression de distance qui était bien ressentie par nos ancêtres :
"A l'époque classique ... comme l'ont bien vu certains grammairiens du XVIème et du XVII ème siècle, il servait, par opposition au passé indéfini, à évoquer un passé résolu, coupé de l'actualité présente au locuteur" ( Wagner, R.,L., Pinchon, J., op. cit. p. 272).
Cela explique pourquoi ce temps est peu employé dans la langue parlée alors qu'il a été longtemps privilégié en littérature. Cela ne signifie pas que le passé composé ne soit pas utilisé en littérature. Il est compréhensible, par exemple, que L'étranger d'Albert Camus soit écrit au passé composé, car le narrateur explique comment il en est arrivé à la situation présente, c'est-à-dire à son incarcération et à sa condamnation à mort. Il y a rapport entre le récit et le moment où le locuteur s'exprime.
Sur notre schéma, nous symbolisons la différence de relation entre le passé composé et le passé simple avec le moment où le locuteur s'exprime par une ligne pointillée reliant le récit au passé composé au moment présent et par l'absence de cette ligne pour le passé simple et l'ajout d'un double trait parallèle á la fin du récit afin de bien marquer cette coupure et de montrer de manière symbolique que le récit constitue une unité en soi.
Un exemple extrait de Michael Kolhaas de Heinrich von Kleist illustre bien cette différence entre les deux temps du récit. Dans sa présentation du héros de sa nouvelle, H. von Kleist écrit : "Das Rechtgefühl machte ihn zum Räuber und Mörder". Deux traductions de cette phrase sont possibles. Suivant le point de vue, nous ferons appel au passé simple, si nous considérons qu'il s'agit d'une réflexion située à l'époque du récit, nous obtiendrons alors "Mais son sens de la justice en fit un brigand et un meurtrier." Nous emploierons, par contre, le passé composé si nous pensons qu'il s'agit d'une remarque de Heinrich von Kleist (donc en relation avec le moment où il écrit) et nous traduirons : "Mais son sens de la justice en a fait un brigand et un meurtrier".
Approche pédagogique :
Suivant notre tempérament, nos habitudes d'expression et la situation, nous employons un temps plutôt que l'autre. Si nous nous en tenons plus aux faits nous utilisons essentiellement le passé composé, si, au contraire, nous cherchons à exprimer en même temps les conditions dans lesquelles s'est déroulé notre récit, nous faisons un emploi plus abondant de l'imparfait. A chaque changement de perspective correspond un changement de temps.
Il est possible de faire appel à des situations qui tiennent compte de ces deux optiques. Un même événement peut être rapporté sans utiliser d'imparfaits ou au contraire en en faisant un emploi généreux. La dynamique et l'effet du récit s'en trouvent transformés.
Ainsi comment a eu lieu la première rencontre imaginaire ou réelle avec notre meilleur ami, un être aimé, ou quelqu'un qui a eu une grande influence sur nous, peut refléter cet événement avec des connotations très différente en fonction de l'emploi des temps.
Si nous prenons un accident de voiture, celui qui est dans son droit aura tendance à s'en tenir aux faits et à parler au passé composé. Celui qui est en tort à donner plus d'importance aux circonstances pour s'excuser et donc à employer l'imparfait.
A partir d'une activité sur "La femme infidèle" (cf. Reflet 1/1982, pp. 38 à 43), ma femme a fait exprimer dans des lettres en sous-groupes les reproches de la femme infidèle à son mari en indiquant les raisons pour lesquelles elle l'avait trompé : " Tu ne t'occupais jamais de moi, tu n'avais jamais le temps de sortir. Tu buvais. Tu étais toujours parti... alors je t'ai trompé...". L'imparfait dominait dans la justification de l'écart conjugal.
En faisant souligner d'une flèche rouge les verbes d'un texte au passé composé ou au passé simple et mettre un point bleu sous les verbes à l'imparfait, la fonction des deux temps apparaît alors plus clairement.
Pour faire sentir l'effet complémentaire des deux temps, il est également possible de demander aux participants de retirer d'un texte les phrases à l'imparfait.
Poèmes et chansons peuvent aussi sensibiliser les participants á l'emploi de ces deux temps.
Le déjeuner du matin de Jacques Prévert illustre bien l'emploi du passé composé présentant le déroulement d'un récit composé d'une suite d'action. Ce déroulement sera particulièrent bien ressenti si nous proposons á chaque participant de prendre une phrase de ce poème, de se promener dans la pièce en disant cette phrase puis d'en représenter la chronologie dans l'espace (chaque personne vient se placer sur la ligne du temps représentée par un fil de laine ou un trait sur le sol ).
Un poème de Yan Marzin introduit merveilleusement certaines formes de l'imparfait et fait saisir l'aspect statique de son emploi :
Il disait me voir, mais il était aveugle
Il disait m'entendre, mais il était sourd
Il disait me comprendre,mais il était trop intelligent.
"Il est trop tard" de Georges Moustaki montre l'alternance entre l'imparfait et le passé composé :
Pendant que je dormais
Pendant que je rêvais
Les aiguilles ont tourné...
Représentation kinesthésique
Un récit peut-être représenté spatialement en avançant d'un pas chaque fois que le récit progresse (passé composé ou passé simple) et en esquissant un point dans l'air avec la main chaque fois que nous employons l'imparfait et donc que nous donnons les conditions du récit.
LE SUBJONCTIF : DE LA MODERATION AVANT TOUTE CHOSE.
Les règles sur le subjonctif couvrent en général plusieurs pages de manuel ce qui en rend la maîtrise et la compréhension fort difficile.
Or si on recherche quelle est l'intention d'expression commune aux différents emplois du subjonctif, on remarque qu'il a toujours une fonction modératrice, une fonction d'atténuation.
C'est pourquoi nous allons symboliser cette fonction par le signe moins et une flèche vers le bas : ⬇. Cette modération s'exprime dans quatre cas :
Schéma 1
Pour les participants, nous pouvons donc résumer l'emploi du subjonctif à ces quatre lignes.
Dès les premières questions sur ce mode, en fonction des cas rencontrés, il est possible de leur faire ressentir et découvrir progressivement cette fonction modératrice en présentant les différents cas au fur et à mesure de leur apparition. Nous ne donnons ce schéma que lorsque au moins deux des cas se sont présentés
Représentation kinesthésique :
Un mouvement de la main de haut en bas peut symboliser la modération et représenter dans l'espace le symbole de la flèche et du signe moins :⬇︎.
Il est également possible de faire deux pas en avant lors de l'énonciation de la principale (il faut) ++ et un pas en arrière pour la subordonnée au subjonctif (que tu viennes) ⬇︎.
Transcription des cas rencontrés
Lorsque le groupe a rencontré plusieurs cas d'emploi du subjonctif, nous distribuons à chaque participant une feuilles A3 sur laquelle est représenté le tableau ci-dessous. Nous demandons aux participants d’y placer les exemples connus jusqu'ici. Ils complèterons ensuite ce schéma au fur et à mesure qu’il rencontreront de nouveaux exemples.
Lorsque nous avons affaire à des participants qui disposent déjà de plus larges connaissances grammaticales sur le subjonctif, nous leur proposons de remplir les cases vides individuellement, puis en sous-groupes en fonction des exemples déjà rencontrés. Ils ajouteront ensuite eux-mêmes les nouveaux cas qui se présenteront.
Schéma 2
Tableau synoptique
Lors de formations d'enseignants, nous proposons après leur avoir fait remplir en sous-groupes le deuxième schéma, le schéma ci-dessous qui présente des cas concrets pour chaque case et leur permet de voir se concrétiser la diversité d'emploi de ce mode. Ce schéma peut être également donné à des participants avancés dans la connaissance de la langue.
Schéma 3
Nous voyons dans le tableau ci-dessus que c'est toujours le même mode de relation qui apparaît entre principale et subordonnée, que le déclencheur soit un verbe, une locution impersonnelle, un adverbe, un adjectif, un substantif ou une conjonction. La multiplicité des exemples recouvre en fait une unité foncière.
Le subjonctif en situation
Certaines situations exigent avec une grande fréquence l'emploi du subjonctif. Ainsi dans une relation d'autorité, le cas "I a" (verbes exprimant l'ordre ou la norme) apparaîtra de manière concentrée : Je veux/désire que vous alliez... et que vous demandiez...
Une situation dans laquelle il est demandé de donner des conseils, (conseils pour maigrir, rester en bonne santé, réussir ses études ...) invite à utiliser les déclencheurs "I b" : Il faut que vous arrêtiez de manger entre les repas... Il est important que vous pensiez à...
Dans le cas de comparaisons, par exemple lors de la vente d'un produit, nous trouvons les déclencheurs "I c" : C'est le plus efficace que vous puissiez trouver sur le marché...
Il est donc possible de trouver des situations en relation avec chaque case du tableau des déclencheurs du subjonctif. En formation nous demandons aux enseignants de créer une situation qui exige un emploi fréquent du subjonctif en fonction d'une des trois premières lignes et ensuite de rédiger un texte dans lequel le subjonctif apparaît avec une certaine fréquence. Ils peuvent intégrer ce mode d'exercice dans leur contexte scolaire.
QUATRE LIGNES FACE AUX GRAMMAIRES TRADITIONNELLES
L'origine de la complexité
La complexité du subjonctif dans les grammaires traditionnelles naît du fait que les grammairiens présentent à la fois les emplois liés à des aspects formels, les catégories grammaticales, que nous indiquons en abscisse dans nos Schemas (après certains verbes, des expressions impersonnelles, les adjectifs au superlatif, adjecrtifs et substantifs qui expriment le désir..., certaines conjonctions) et les aspects intentionnels présentés en ordonnée (expession de la force, de l'affectivité, de l'attente de réalisation...).
Notre présentation du subjonctif se concentre sur les intentions du locuteur, elle entre dans le cadre d'une "grammaire intentionnelle", les aspects formels n'étant considérés que comme des illustrations des diverses intentions d'expression du locuteur.
L'illustration des intentions à la lumière des grammaires conventionnelles.
Ce qui va suivre maintenant est destiné uniquement aux enseignants afin de préciser pour eux à quelles règles ou exemples de leur grammaire de référence correspondent les quatre cas cités.
I - La modération de la force
Lorsque le locuteur exprime dans la principale quelque chose de fort, d'absolu, la subordonnée nuance la force ou le caractère absolu de cette expression á l'aide du subjonctif. C'est pourquoi nous avons utilisé un double signe "plus" pour symboliser ce premier cas. Nous aurions pu également dessiner un index exprimant l'ordre ou la norme.
Les propos du locuteur dans la principale le placent dans une position supérieure, le subjonctif modère dans la subordonnée l'expression de cette relation. Il a, en quelque sorte, une fonction homéostatique.
Nous avons considéré la norme comme faisant partie du cas I, car elle sous-entend que le locuteur se pose en juge, elle exprime donc une attitude de supériorité. Cependant elle relève parfois de l'expression de l'affectivité, donc du cas II.
On emploie donc le subjonctif dans la subordonnée
I a -Après un verbe qui exprime l'ordre, la permission, l'interdiction, une exigence, une concession dans la principale
Je veux, j'entends, j'ordonne, j'exige que...
Je désire, je souhaite, je demande, je dis ( avec le sens d'un ordre) que... Je consens, j'accepte, j'admets, je permets, j'autorise, j'approuve que...
Je suis d'accord pour que...
Je supporte, je souffre, je tolère, je consens, je veux bien que...
Je désapprouve, je refuse, j'interdis, je défends que... Je m'oppose à ce que...
J'attends de qn. que... Je veille à ce que...
Je tiens à ce que... J'attache de l'importance à ce que...
Je prends garde à ce que... Je fais attention à ce que...
Il est évident que l'emploi de l'impératif dans la principale conduit automatiquement à l'emploi du subjonctif dans la subordonnée :
Dites-lui qu'il le fasse. Demande qu'il vienne.
I b - Il en est de même pour les tournures impersonnelles qui marquent l'ordre, la nécessité ou la norme
Il faut que... Il faudrait que... Il convient que... Il suffit que...
Peu / Il importe que... Il vaut mieux que... Il est (grand) temps que...
Il est / serait bon, excellent, normal, naturel, logique, intéressant, préférable, souhaitable, utile, important, nécessaire, essentiel, urgent, indispensable, superflu, (in)juste, mauvais, bête, absurde, regrettable, ( in)compréhensible, inadmissible, nuisible, inévitable, bizarre, curieux, étrange, sensationnel... que...
C'est curieux que... C'est une chose curieuse que...C'est dommage que...
I c - Après les adjectifs au superlatif absolu, après les adverbes, adjectifs ou substantifs marquant la volonté, la totalité, la norme
C'est le/ la seul(e), l'unique, le dernier, le premier, le meilleur, le pire...que
C'est la plus (adjectif) qui soit...
Le moindre ( subst.) que/ qui ... Le moins que...
Le plus étrange, c'est que...
Il n'y a que ( substantif /pronom) qui/que...
Il n'y en a aucun, pas un seul ... qui ( puisse)...
Il n'y a que peu de personnes qui (puissent)...
C'est un(e) des rares ( personnes) qui ( sache)...
C'est le (dernier) en qui je ( puisse avoir confiance)...
C'est le ( seul, dernier... ) sur qui je puisse compter.
Je ne connais rien/personne qui puisse changer la situation.
Je trouve bon/ juste / important / nécessaire ... que tu le fasses. Ma volonté est que... La nécessité que...
I d - Les conjonctions qui modèrent ou réduisent l'expression de la proposition principale entraînent l'emploi du subjonctif.
C'est en particulier le cas pour les conjonctions ou locutions conjonctives qui expriment la concession, la condition, ou toute autre forme de restriction du contenu de la principale :
Bien que... Quoique... Malgré que... Encore que...
A condition que/ Pourvu que/ Pour peu que...
A moins que / Le moins que/ Autant que/ Sans que/ Non que
Quel(les) que (soient les circonstances)...
Quelque (subst.antif) que... : Quelque raison que vous donniez...
Quelque ( adjectif) que... : Quelque grand que vous soyez...
Si (grand) que. Pour (grand) que. Tout (grand) que...
Qui que (vous soyez) Quoi que (vous fassiez). Où que (tu ailles )...
II - La modération de l'expression affective
En français, exprimez avec modération les cris du cœur...
Lorsque le français exprime un sentiment ou une opinion marquée par l'affectivité, il semble qu'il veuille le faire avec prudence et nuance, car il modère son expression en utilisant le subjonctif dans la subordonnée.
II a- Il y aura donc emploi du subjonctif après les verbes exprimant une opinion affective
Je souhaite, je préfère, je désire/rais, j'aime/rais que...
Je demande ( souhait), je supplie ... que...
Je me réjouis, je me félicite... que...
J'apprécie, j'adore, je critique... que...
Je regrette, je déplore, je m'indigne, je me plains, je déteste que...
Je m'étonne que... Je me moque que...
Je crains, je m'inquiète, je redoute que...
Je supporte que...
Je comprends (compréhension affective)que ( tu ne veuilles pas venir ).
J'ai envie, honte, peur, hâte, intérêt... que...
II b- Après les expressions impersonnelles marquant l'affectivité
Il est heureux, étrange, dommage, déplorable... que...
Il est à espérer, à craindre... que...
C'est ennuyeux, préférable... que...
Cela me (dé)plaît, m'amuse, m'arrange, m'étonne, me surprend, m'énerve, me gêne, me rassure, me soulage, me touche, m'inquiète, m'épouvante...que...
Comment se fait-il que... ( reproche ou étonnement)...
D'où vient que ( Paul veuille) ... étonnement)
II c- Après les adjectifs et substantifs exprimant l'affectivité
Je suis heureux, (mé)content, ravi, satisfait, enchanté, charmé, flatté, fier, touché, triste, attristé, affligé, désolé, ennuyé, gêné, fâché, contrarié, indigné, outré, épouvanté, surpris, étonné, stupéfait, frappé, choqué, inquiet, rassuré, soulagé...que...
Je trouve curieux, inquiétant, rassurant... que...
Je n'ai qu'un désir, qu'un regret, qu'un souhait..., c'est que( vous soyez)...
C'est une chance, un malheur ... que... Quelle honte, quel dommage ... que...
Le souhait, le désir, la joie, l'envie, la peur, la crainte, que ( je sois) ...
L'étonnant, le malheur..., c'est que...
II d- Après les conjonctions exprimant un affect :
Pourvu que, dans l'espoir que, de peur que, de crainte que ( je puisse) ...
III - La modération de l'attente de réalisation
"Être ou ne pas être."
William !
Une échelle d'opinion allant de 100 % á 0 % de chances de réalisation d'un événement permet de percevoir le passage d'un mode à l'autre dans un développement de l'expression allant du prévisible à l'impossible :
On voit donc que lorsque nous exprimons une simple hypothèse ou que les chances d'actualisation d'un événement se situent approximativement en dessous de cinquante pour cent, on emploiera le subjonctif dans la subordonnée.
Nous remarquons dans ce tableau que certains verbes ou certaines tournures peuvent être suivis de l'un ou de l'autre mode suivant le degré de certitude exprimé :
Il semble, il est probable, vraisemblable ... qu'il viendra/ qu'il vienne.
Croyez-vous, pensez-vous... qu'il viendra/ qu'il vienne.
Je ne crois pas, je ne suis pas d'avis... qu'il viendra / qu'il vienne.
Si vous croyez qu'il viendra/qu'il vienne...
On ne peut pas croire qu'il a /ait fait cela.
Prétendez-vous qu'il a /qu'il ait fait cela.
Je ne pouvais croire qu'on peut/ qu'on puisse...
Suivant le mode employé dans la principale, nous pouvons avoir passage de l'indicatif au subjonctif dans la subordonnée. Ainsi :
Il paraît qu'il viendra.
Il paraîtrait qu'il vienne ( Le conditionnel renforce l'incertitude ).
C'est à Jean-Paul Confais : Grammaire explicative. (München, Max Hueber Verlag, 1978. P. 63) que je dois cette idée d'échelle de 100 à zéro.
Nous retrouvons l'idée d'actualisation de Jean-Louis Frérot dans "A comme...A suivre, le subjonctif." In Le français dans le monde. N° 156, pp.49 et 50.
André Martinet dans sa Grammaire fonctionnelle du français. ( Paris, Didier, 1979) réduit la fonction du subjonctif à l'expression de l'imaginé, l'indicatif servant à exprimer le réel. Cette opposition correspond à notre troisième ligne, mais ne couvre pas un certain nombre d'emplois du subjonctif présentés dans les deux premières lignes de notre description. Ainsi une phrase telle que : " Il est dommage qu'il soit si distrait" exprime une réalité et pourtant exige le subjonctif.
Cette échelle dans l'expression de l'attente de réalisation explique pourquoi l'indicatif est utilisé avec les verbes d'opinion à la forme positive (Je pense, je crois = à mon avis, oui, cela aura lieu., ainsi: "Je pense qu'il le fera" = à mon avis, il le fera) et pourquoi on emploie parfois le subjonctif lorsque ces verbes sont à la forme négative ( Je ne pense pas, je ne crois pas = à mon avis, non. Ainsi : " Je ne pense pas qu'il le fasse = À mon avis, il ne le fera pas).
Cela permet également de mieux comprendre la différence entre "Je suppose qu'il vienne" ( je fais la supposition, supposons) expression entièrement hypothétique et non considérée sur le plan de sa réalisation, et "Je suppose qu'il viendra" (à mon avis, il viendra, je pense qu'il viendra).
Il en est de même dans des exemples tels que :
Je cherche un étudiant qui connaît la région et la langue de ce pays. (Je sais qu'il en existe un).
Je cherche un étudiant qui connaisse la région et la langue de ce pays. (J'exprime une éventualité).
Quant au verbe "espérer" qui requiert l'emploi de l'indicatif à la forme positive, on peut supposer qu'il relève d'une vision optimiste : ce qui est espéré est supposé devoir se réaliser. On peut également le considérer comme une exception dans cette présentation.
L'expression " J'ai l'espoir que..." joue sur les deux tableaux : elle peut être suivie de l'indicatif ou du subjonctif suivant le degré d'espoir du locuteur.
Retournons à notre tableau et voyons chaque cas dans le détail.
III a- Il y aura emploi du subjonctif après les verbes exprimant l'hypothèse, une action dont l'issue est incertaine, la mise en doute de l'actualisation ou l'opposition á la réalisation d'un événement.
Hypothèse :
Je m'imagine, j'envisage que... Je propose, je suggère, je recommande que...
Admettons que... Imaginons que... Supposons que... Figurez-vous que...
Issue incertaine
Je recherche (qn./qc.) qui/que ... Je cherche(qn./ qc.) qui/que ...
Je m'attends à ce que... J'attends que...
Je fais en sorte que / je veille à ce que/ je fais attention que...
Je prends garde à ce que...
J'essaie, je tente de trouver un/ une/ de/ des (...) qui...
Connaissez-vous un/ une/ de/ des (...) qui...
Y-a-t-il (qn / qc.) que/qui.. Connaissez-vous, avez-vous (qn.) qui ...
Mise en doute de l'actualisation
Je ne crois pas, je doute, je conteste, je démens/ je nie que...
Je n'ose espérer que... ( Paul vienne). J'imagine mal que...
J'ignorais que... (il y e t). Je ne nie pas que...
Vous ne trouverez pas un / une/ des /de (...) qui...
Il n'y a pas de situations dans lesquelles on puisse...
Opposition à l'actualisation
J'évite, je prends garde, j'empêche, je refuse que...
Je m'oppose à ce que... Je nie que...
III b - Il en est de même des tournures impersonnelles exprimant l'hypothèse, l'incertitude la non- actualisation
Cela suppose, laisse entendre que... ( Paul puisse venir).
Il n'est pas sûr, certain, évident... que... Il est douteux, faux ... que...
Il se peut que... Il semble que ( subj. ou indic.)... Il arrive que...
Y a-t-il qn. / qc. qui ( puisse )...
ou des locutions invariables marquant l'hypothèse
A supposer que, en supposant que ( Paul veuille...)
III c - Après des substantifs marquant l'éventualité :
Les chances que... ( Paul puisse réussir sont réduites).L'éventualité que...
III d - Les conjonctions qui marquent la finalité et donc un objectif, mais sans certitude de réalisation exigent l'emploi du subjonctif.
Afin que...pour que... de manière que..., de façon que... en sorte que... de (telle) sorte que... pour que...
De peur que... de crainte que... (á la fois final et affectif, cas II d).
Il en est de même des conjonctions qui marquent une double éventualité
Soit que... soit que... : Soit que tu le fasse soit que tu repartes.(Deux hypothèses sont au choix, on ne peut assurer laquelle sera réalisée).
Que... ou que... : Que vous veniez ou que vous restiez...
Que... ou non... : Je viendrai qu'il le veuille ou non.
Les conjonctions marquant l'absence d'actualisation
Sans que ( je le sache)...
Sans ( infinitif) que... : Je l'ai fait sans trouver quelqu'un qui puisse...
Ce n'est pas que ( je veuille)...
Non que ( je puisse)...
Les conjonctions marquant un temps non accomplli donc un événement non actualisé :
Avant que, jusqu'à ce que, d'ici ( á ce ) que, en attendant que...
"Après que " requiert l'indicatif, puisque l'action dont parle le locuteur est accomplie donc actualisée. Il est parfois suivi du subjonctif dans la langue parlée par analogie à "avant que + subjonctif".
IV - La modération structurale
Lorsque la phrase commence par une subordonnée, celle-ci est toujours au subjonctif. Il est possible que le verbe de la principale qui la suit soit un verbe qui exige l'emploi du subjonctif ou de l'indicatif, donc, par prudence, nous employons d'office dans la subordonnée le mode de la modération : le subjonctif.
Nous retrouvons ici la même attitude que dans l'accord du participe passé : "Dans le doute, de la modération avant toute chose", donc subjonctif.
Que tu le fasses, j'en suis certain. / Que tu le fasse, j'en doute.
Autant que je sache, vous n'avez pas répondu.
Qu'il vienne, d'accord, mais je ne désire pas que...
Il en est de même des constructions commençant par un substantif et donc avec absence du verbe de la principale avant la subordonnée :
Le fait que (nous soyons ...), L'idée que ( vous puissiez...)
De nombreuses grammaires considèrent comme propositions indépendantes des subordonnées qui dépendent, en fait, d'une principale élidée. En effet, nous pouvons supposer qu'une principale, exprimant le souhait, l'ordre ou la norme, est sous-entendue dans des expressions telles que :
( Je souhaite) Qu'il le fasse / Qu'il vienne / Vivement qu'il vienne.
( Je souhaite que ) Dieu te vienne en aide/ Vive la République. /
( Je souhaite que celui ...) Qui m'aime me suive.
( J'ordonne) Qu'il sorte.
( Il suffit que ) Vienne le beau temps/ Que le beau temps vienne, et ...
Cette ellipse peut être postposée :
Fasse le ciel que...Puisse-t-il venir...Grand bien te fasse... (je le souhaite).
EN CONCLUSION
En faisant sentir aux participants quelle est l'intention d'expression qui se trouve derrière l'emploi d'une forme grammaticale spécifique, nous leur permettons d'entrer dans l'esprit des locuteurs de la langue, c'est pourquoi nous parlons de grammaire intentionnelle (cf. B. Dufeu : La grammaire intentionnelle. In F. Schulz : Erstellen von Lehrmaterial. Mainz : Universität Mainz, 1982, pp. 47-62).
Pour faciliter l'appréhension de la langue étrangère, il s'agit donc d'allier le sens de l'observation du professeur de langue étrangère, afin de prendre conscience des difficultés des participants, à la perception de l'attitude mentale du locuteur natif lorsqu'il s'exprime dans sa langue. Nous obtenons alors un type de règle moins complexe que dans les grammaires traditionnelles qui partent d'une observation formelle et pointilliste des phénomènes.
Cela permet à l'enseignant de mieux guider les participants lorsqu'ils se trouvent devant des problèmes de conceptualisation. Les professeurs qui le désirent peuvent également proposer des situations d'expression mieux adaptées pour faciliter la maîtrise des problèmes grammaticaux rencontrés.
© Bernard Dufeu, 1993.
Article paru dans Bernard Dufeu (Hrsg.) Interaktive Grammatik. Berichte und Beiträge zur wissenschaftlichen Weiterbildung. Mainz 1993, volume 41 pp. 135-155 à la suite d'une conférence et d'un atelier qui eurent lieu le 26 et 27 juin 1992 dans le cadre des formations "Erwachsenengemäßes Lehren und Lernen einer Fremdsprache - Sprachandragogik- Universität Mainz.
(1) Contre-exemples aux notions grammaticales proposées dans l'emploi des temps du passé :
L'imparfait marque la durée.
- Il était surpris, étonné de la voir arriver si tôt, mais il a vite déchanté (Il n'y a pas de notion de durée et l'action est achevée).
Le passé composé peut, lui aussi, exprimer la durée :
- J'ai dormi toute la nuit. Il a parlé pendant des heures.
L'imparfait marque la répétition de l'action.
Le passé composé aussi :
- Il a téléphoné trois fois depuis que tu es parti. Il a téléphoné toutes les deux heures.
- J'ai toujours pris mon café à sept heures du matin, ce n'est pas maintenant que je vais changer.
Le passé composé indique que l'action est accomplie.
Le passé composé peut exprimer aussi une action inaccomplie:
- J'ai toujours vécu ici et je ne compte pas déménager.
- J'ai travaillé pendant des heures à ce projet et je n'ai toujours pas terminé.
- J'ai toujours aimé la confiture de fraises et je ne m'en lasse pas.
- Désolé mais je n'ai pas fini.
Le passé composé exprime un fait ponctuel, un temps précis.
L'imparfait peut remplir la même fonction :
- Il était midi, il attendait devant la porte. -
- Hier, à dix heures, j'étais dans mon bureau...
- J'attendais depuis dix heures du matin devant la statue de Gutenberg quand...